Analyse de risques : Identification et estimation : Outils quantitatifs d'estimation de risques
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Notions fondamentales en fiabilité

Modes de ruine

L'analyse de la sécurité d'un élément de structure nécessite de se fixer un critère qui permet de séparer deux domaines :

  • le domaine de ruine (F) ;

  • le domaine de sécurité (S).

Pour préciser ces deux espaces, il faut définir le mode de ruine de l'élément : celui-ci peut être un déplacement excessif, une contrainte supérieure à une valeur de référence, ou plus simplement lorsque la sollicitation est supérieure à la résistance. Dans tous les cas cela passe par la définition d'un état limite, puisque le mode de ruine s'exprime en termes d'écart entre une réalisation d'un état mécanique de l'élément et une réalisation d'un état ultime de résistance. Par exemple, pour un assemblage tubulaire, on peut envisager les modes suivants : flambement d'une des barres de l'assemblage, plastification d'une section ou poinçonnement au niveau de la liaison.

Il s'agit ici de la démarche d'analyse de risques par modélisation physique, telle que présentée dans le module sur les démarche d'analyse de risques.

Surface d'état limite

Fondamental :

Le choix du mode de ruine permet, en général, la mise en équation de la surface d'état limite (ou de ruine) qui se trouve à la frontière entre l'espace de sécurité S et l'espace de ruine F

Choisissons, par exemple, comme critère de rupture la marge de sécurité :

où S(z) représente la sollicitation, R(z) la résistance et z=(z1,..,zn)T le vecteur des variables aléatoires décrivant l'élément, son chargement et son modèle de ruine.

Dans le cadre des méthodes probabilistes, la marge de sécurité M apparaît comme une variable aléatoire de même que la résistance et la sollicitation. Lorsque M>0, la structure est dans l'espace de sécurité ; lorsque M<0, elle est dans l'espace de ruine. L'équation M=0 (ensemble de réalisations des zi correspondant à une marge nulle) définit une surface appelée surface d'état limite.

Fonction d'état limite

Fondamental :

Pour une formulation de la surface de ruine, on peut définir une fonction g(z) représentant les valeurs prises par la marge de sécurité. Cette fonction est appelée fonction d'état limite. Par convention, elle doit vérifier les critères suivants :

  • g(z)>0 si nous sommes dans la zone de sécurité (ZS) ;

  • g(z)<0 si nous sommes dans la zone de ruine (ZF) ;

  • g(z)=0 si nous sommes sur la surface de ruine (ZL).

Cette notion est fondamentale à la fois en analyse déterministe et en approche probabiliste pour définir l'état de la structure (dans le domaine de sécurité ou dans le domaine de ruine). La fonction d'état limite se calcule à partir d'une analyse déterministe traditionnelle, mais des paramètres probabilistes sont identifiés et quantifiés.

Probabilité de défaillance

Fondamental :

Les méthodes de fiabilité de niveau III consistent à donner une estimation de la probabilité Pf (Probability of Failure) pour que la structure soit dans le domaine de ruine (F) :

où pZ(z) est la loi de distribution jointe des variables aléatoires z1,..,zn.

L'intégration n'est généralement pas praticable car trop complexe. Le recours à une intégration par simulations de Monte Carlo reste toujours possible, bien que se pause dans ce cas le problème de convergence vers un résultat stable et peu dispersé (avec un intervalle de confiance réduit). Bien que des techniques de réduction de variance existent comme les tirages d'importance, l'hypercube latin ou encore les tirages directionnels, le calcul de Pf par intégration est parfois moins recherché que son estimation à l'aide du calcul d'un "indice de fiabilité". Plus simple à calculer et plus facile à appréhender, l'indice de fiabilité est une mesure très commode de fiabilité, qui sous-tend le dimensionnement des ouvrages selon les Eurocodes structuraux. Une fois connu l'indice de fiabilité, et surtout le point de défaillance le plus probable, l'estimation de Pf par simulations de Monte Carlo s'en trouve largement facilité.

Indice de fiabilité

Dans les algorithmes d'évaluation de l'indice de fiabilité, la fonction g(z) joue un rôle capital, d'où l'importance qu'elle ait de "bonnes" propriétés de régularité (continuité, dérivabilité). Il est également possible qu'on soit amené à effectuer un changement de variables, auquel cas l'expression mathématique de la fonction d'état limite devra être reformulée dans le nouvel espace. La mesure de la fiabilité des structures par un indice de fiabilité est celle qui a été retenue dans les Eurocodes structuraux.

Indice de fiabilité de Cornell

Fondamental :

L'indice de Cornell est défini, en termes de marge de sécurité M, à partir de la valeur moyenne E(M) et de l'écart type V(M)1/2, par l'équation suivante :

Dans le cas unidimensionnel, la surface de rupture est représentée par le point M=0. L'idée exprimée par cette définition de l'indice de fiabilité est que la distance de la valeur moyenne E(M) à la surface de rupture (exprimée en nombre d'écarts types) donne une bonne mesure de la fiabilité.

Si la fonction d'état limite g(z) est linéaire, alors E(M), V(M)1/2 et peuvent être calculés facilement en fonction des caractéristiques des variables de base.

Dans le cas où g(z) n'est pas linéaire, Cornell suggère de l'approcher par son développement de Taylor au premier ordre au point moyen. Cette évaluation de ne nécessite que la connaissance des deux premiers moments des variables aléatoires.

On peut également avoir recours aux simulations de Monte Carlo pour des formes complexes ou non explicites de g(z) : avec un nombre relativement restreint de simulations, on obtient généralement de bonnes estimations de E(M) et de V(M)1/2.

Indice de fiabilité de Hasofer-Lind

Fondamental :

Hasofer et Lind ont donné une définition de l'indice de fiabilité, basée sur l'interprétation géométrique de . L'indice d'Hasofer-Lind est la plus petite distance (au sens euclidien) de l'origine à la surface de ruine dans l'espace des variables normales centrées réduites et indépendantes (espace standard). Le point correspondant à dans l'espace standard est le point de défaillance le plus probable, appelé souvent point de fonctionnement et noté P*. C'est le point appartenant à la surface de ruine pour lequel la densité conjointe des variables est la plus élevée.

où u est le vecteur transformée de z dans le changement d'espace (passage de l'espace physique des variables à l'espace standard), soit

Cette transformation (dite transformation de Rosenblatt) n'est généralement pas linéaire, sauf pour des variables physiques gaussiennes. De façon générale, si Zi est la variable aléatoire de base prenant la valeur zi, et de loi de distribution Pzi, la variable aléatoire normale centrée réduite correspondante Ui, prenant la valeur ui, s'obtient à partir de :

est la fonction de répartition d'une variable gaussienne centrée réduite. La relation précédente n'est applicable telle qu'elle que lorsque les variables Zi sont indépendantes. Dans le cas où elles sont dépendantes, les lois de distributions conditionnelles doivent être établies, et le résultat de la transformation de Rosenblatt dépend alors de l'ordre dans lequel sont transformées les variables. Des méthodes approchées plus simples peuvent être mises en œuvre, telles que la méthode de Nataf.

Si X suit une loi normale ou lognormale , la transformation est explicite :

  • dans le cas d'une loi normale

  • dans le cas d'une loi lognormale.

Lorsque la surface de rupture est linéaire, et sont équivalents. Dans le cas où la surface de rupture n'est pas linéaire, elle est approchée par un développement de Taylor au premier ordre au point P* .

Un des points les plus délicats des méthodes de fiabilité est justement la recherche du point de fonctionnement qui est le résultat d'une procédure de minimisation sous contrainte. Les algorithmes utilisés sont des algorithmes d'optimisation itératifs. L'un des plus employés est l'algorithme de Rackwitz-Fiessler basé la méthode du gradient projeté. Partant d'un point quelconque de l'espace standard, supposé appartenir à la surface de ruine, on détermine le point suivant u(k+1) en projetant le précédent sur la droite issue de l'origine, parallèle au gradient de la fonction d'état limite et dirigée vers la zone de défaillance. Cette projection est ensuite déplacée pour tenir compte du fait que le point initial n'est pas situé sur la surface de défaillance. La succession des points obtenus est définie par

avec

Les critères d'arrêt des itérations sont généralement la proximité de deux points successifs et la valeur de g(u*) qui doit être nulle théoriquement si le point obtenu est bien situé sur la surface d'état limite. Le gradient de g(u) n'est pas toujours explicite, et son estimation numérique peut conduire à l'échec de l'algorithme si elle est trop bruitée. Des procédures géométriques, ne nécessitant pas la connaissance du gradient, sont également employées, comme la méthode des traces pivotantes ou la méthode su simplexe.

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