La trame structure les composants et facilite la saisie
Ces recommandations concernent essentiellement l'architecte.
Si une agence d'architecture a le désir de s'insérer dans une équipe de partenaires interopérables, elle doit en accepter les obligations techniques et méthodologiques, sous peine d'aboutir à un échec.
Les relations méthodologiques entre partenaires sont d'ordre contractuel, nous l'avons déjà signalé. Par exemple, elles résulteront d'un contrat d'interchange[1] limité à deux partenaires (l'architecte et le thermicien), ou au contraire d'une chartre d'échange informatique, sorte de cahier des charges méthodologique, réunissant les partenaires de la maîtrise d'œuvre, avec ou sans la maîtrise d'ouvrage (exemples de documents proposés par BuildingSmart). Le contrat peut figurer dans le dossier d'appel d'offre fourni par la maîtrise d'ouvrage.
Et dans un premier temps avec un projet qui puisse se modéliser sans difficultés.
Les obligations techniques portent sue les méthodes de travail. Elles doivent de toutes façons être considérées comme incontournables dans le cadre de la modernisation du travail en agence.
Conseil :
Pour devenir un architecte interopérable, quelques méthodes permanentes sont à mettre en place en agence. Elles résultent de la volonté de l'agence de « normaliser » son travail de production.
Ces obligations se résument à très peu : faire preuve de la rigueur de saisie des objets du projet nécessaire pour que les logiciels métiers puissent lire les données dont ils ont besoin.
Passons en revue les classes d'objet traités dans les IFC, et donc obligatoirement dans les logiciels de CAO, et qui peuvent poser problème à l'opérateur de saisie, qu'il soit dessinateur, projeteur ou architecte :
TRAME CONSTRUCTIVE
Un seul conseil : tracer avant toute saisie, dès la conception de l'esquisse, une trame destinée à positionner par leurs axes les poteaux, poutres, et si possible, les refends et parties porteuses des murs.
De cette manière, et d'une façon toute naturelle, le dessinateur-projeteur définit ainsi la représentation filaire dite « canonique » AXES DE STRUCTURE[2] (voir "La représentation géométrique du bâtiment n'est pas toujours topologique").
Cette précaution, peu coûteuse, facilite ensuite non seulement le positionnement des composants (poteaux, poutres, murs, planchers (avec un débord automatique), toitures, mais aussi la définition des espaces et des nus de locaux lors de la transcription vers les deux autres représentations graphiques AXES DE STRUCTURE[2] et NUS DE LOCAUX[3], à partir de la représentation COMPOSANTS[4] qui incombe à l'architecte. Dans les échanges avec les ingénieurs de calcul de structure et les thermiciens, bon nombre de difficultés disparaîtront.
2 : AU STADE DE LA CONCEPTION ET DE L'INGÉNIERIE
Impossibilité de récupérer facilement les données d'une opération
données éparses et peu informatisées
organismes détenteurs non coordonnés
Modélisation des plans en simples dessins 2D non porteurs de sémantique
risques d'incohérence entre les vues
documents écrits non intégrés
pas d'évaluation économique instantanée
prise en compte difficile des règlements et normes, contrôles à posteriori
Impossibilité de communication entre logiciels techniques des différents métiers
absence d'un référentiel sémantique du vocabulaire entre intervenants
perte de temps insupportable de re-saisies
lenteur des validations et des arbitrages pour l'ensemble des partenaires
cycle interminable des modifications, pas de traçabilité
absence de simulations comparatives
absence de relations avec les entreprises pendant la conception
difficulté d'évaluation du coût global
impossibilité d'évaluer le mieux disant
dépassement des délais, des coûts des études.
3 : AU STADE DE LA CONSTRUCTION
L'entreprise évolue dans un monde de décision et de contrôle parallèle à celui de la maîtrise d'œuvre, sans véritable communication :
L'entreprise doit refaire les plans d'exécution pour les adapter à sa mise en œuvre
elle saisit à nouveau l'information du projet
L'entreprise doit recalculer totalement les coûts avec une autre méthode
elle renégocie à nouveau les matériaux et composants auprès des distributeurs
il n'y a pas de retour d'information, de traçabilité des choix vers les industriels et la maîtrise d'œuvre
difficulté d'élaborer des DOE fidèles (pas d'intégration des CR de chantiers)
Pas de relations entre les plans de conception, les prescriptions, les DTU et les plans d'exécution propres à l'entreprise
saisies redondantes pour logiciels techniques de chantier
et d‘ordonnancement de travaux
Les modifications en cours de chantier, malfaçons, erreurs d'interprétation et sinistres sont inévitables et dus en grande partie à cette incohérence
dépassement des délais, des coûts
augmentation démesurée des assurances
dilution des responsabilités
procès interminables
traçabilité des responsabilités difficiles à établir.
4 : AU STADE DE L'ENTRETIEN ET DE LA MAINTENANCE DU BÂTI
Difficulté d'élaborer une représentation numérique du patrimoine construit
plans papiers inutilisables parce que non orientés gestion de patrimoine
plans numérisés (DXF, DWG) à transformer
documents textuels inexploitables
saisie redondante de données et informations non relationnelles
coût prohibitif de la constitution des bases de données de GTP
Perte de la mémoire et de l'historique de la construction
les objets de la GTP ignorent les objets de la conception, de l'ingénierie, du chantier
pas de capitalisation des connaissances, coût global ignoré
Inversement, pas de remontée d'informations vers les donneurs d'ordre, concepteurs, constructeurs :
Pas de cercle vertueux pour améliorer la filière Bâtiment, le développement durable, avec au contraire une augmentation des réserves, des sinistres, des procès, du recours aux assurances, et du montant de leur cotisation.
Nous avons développé tout au long de ce cours la conclusion technique et méthodologique qui s‘impose :
Rappel :
La transformation du traitement de l'information en un système informatique intégré, continu, normalisé, interopérable (BIM), peut contribuer
à supprimer la majorité des défauts dénoncés dans les 4 principales activités du bâtiment
à procurer un bénéfice immédiat à chaque métier de la construction, jusqu'à atteindre progressivement un niveau culminant avec l'interopérabilité.
à permettre de maîtriser les contraintes du développement durable.
Certains pays progressent plus vite (les Anglo-Saxons), que d'autres (les Latins) ...
Pourquoi ?
L'existence de la nouvelle technologie nécessaire n'est pas suffisante !
La réforme de nos méthodes, de nos habitudes, de la formation, de notre culture professionnelle, est le facteur prépondérant, le véritable défi pour les français, pour continuer de progresser dans le secteur de la construction.
Décloisonner l'information entre les métiers, par logiciels et fichiers interposés, dépend d'une volonté de bousculer l'ordre établi pour se moderniser.
Les enquêtes (projet eXpert) menées en France par des organismes professionnels habilités (les Fédérations Professionnelles réunies dans Médiaconstruct ...) montrent que les acteurs des métiers du bâtiment en France sont attentistes : « J'utiliserai la norme IFC lorsque j'y serai obligé ! ». En effet, la maîtrise d'œuvre et l'ingénierie dépendent des donneurs d'ordre (la maîtrise d'ouvrage), et attendent donc que celle-ci oblige contractuellement les architectes et ingénieurs, économistes et entreprises à s'organiser en équipe « interopérable ».
La prise de conscience s'effectue néanmoins, par les métiers situés aux deux extrémités de la chaîne des études : les promoteurs et la maîtrise d'ouvrage, d'une part, et la Gestion Technique de Patrimoine (GTP[5]) d'autre part. Ce dernier métier est confronté à des contraintes financières difficilement gérables s'il ne dispose pas de la base de données numérique et graphique de son patrimoine bâti, comme d'un outil d'analyse, de simulation et d'aide à la décision.
Des sociétés spécialisées utilisent maintenant, en France, et avec succès, la norme IFC pour constituer et exploiter ces bases de données interopérables (par exemple ACTIVE-3D[6]).