Historique, vocabulaire, perception
CoursOutils transverses

La recherche collective d'un degré de sécurité optimal

Nous avons vu dans les chapitres précédents dans quelle mesure chacun peut être amené à supporter ou à accepter des risques. Dès lors, pour la puissance publique, la question à résoudre est celle de la définition du niveau de risque qu'il convient de viser pour chaque activité ou installation 10.

On distinguera :

  • la réflexion (et la décision) sur le niveau de risque jugé optimal : « Dans quelle mesure un niveau de sécurité est-il jugé suffisamment sûr ? »,

  • l'ensemble des règles et procédures qui permettent effectivement de garantir le niveau de risque qui a été défini.

On dispose, pour répondre à la question du caractère optimal d'un niveau de sécurité, d'une gamme d'approches :

  • le constat de la non intervention, qui repose sur des présupposés « libéraux » d'équilibre optimal : si aucune volonté ne se manifeste pour un changement de la situation, c'est que l'optimum est atteint,

  • la mise en œuvre et le respect des normes professionnelles ou des règlements, rédigées à partir des expressions et des pratiques des « sachants », qui suppose qu'ils sont aptes à définir l'optimum pour l'ensemble de la société,

  • les approches comparées, qui permettent d'exprimer des préférences (explicites ou implicites), et de faire des choix relatifs entre plusieurs situations, en simulant des alternatives, comme nous l'avons fait en introduisant la notion d'aversion au risque et de propension à payer,

  • les analyses comparées des coûts et des bénéfices, qui reposent sur une formulation économique des problèmes,

  • les préférences exprimées, reposant sur la perception publique des risques.

Chacune de ces méthodes repose sur des postulats discutables et leur emploi se heurte à des limites théoriques (capacité à formaliser), pratiques (difficulté de mise en œuvre), voire éthiques (déléguer à certaines catégories le pouvoir de décider, sans qu'ils soient aptes à prendre en compte les problèmes dans leur globalité). Nous allons préciser dans quelle mesure les risques et leur appréciation, en particulier en termes d'acceptabilité, relèvent d'une construction sociale.

Conseil :

Le niveau de sûreté (d'une installation, d'un équipement) est donc, en phase de conception, un objectif du projet, au même titre que les spécifications techniques. Au prix de mesures de protection ou d'investissements supplémentaires, on peut atteindre en théorie n'importe quel degré de sécurité. Il convient donc de poser les questions suivantes :

  1. est-il légitime de faire une analyse de risque ?

  2. quel est le niveau de risque que l'on tolère ?

  3. qui décide de ce niveau ?

  4. comment déterminer le niveau de risque (ou le degré de sécurité) offert par un système donné ?

  5. quel investissement est-on disposé à effectuer pour viser un niveau de risque ?

  6. quelles dispositions techniques faut-il prendre pour obtenir effectivement ce niveau de risque ?

Répondre à ces questions requiert de couvrir des champs disciplinaires divers : socio-culturel et politique (1, 2), scientifique (3), économique et politique (4), juridique, technique, réglementaire (5). Nous privilégierons évidemment les regards scientifique, technique et réglementaire, mais l'expert en génie civil ne peut pas faire abstraction des autres dimensions de ce questionnement.

On distinguera naturellement :

  • le niveau de protection que la société doit assurer pour les activités individuelle, qui dépend du caractère plus ou moins volontaire des activités (cf Chapitre précédent).

  • le niveau de protection à assurer pour les risques collectifs, qui intègre une dimension humaine (risque accepté – risque tolérable – risque inacceptable) et une dimension économique : quel est le surcoût de la protection et quels sont les « bénéfices attendus » ?

Cette distinction soulève une question philosophique fondamentale [Seiler, 2001] :

  • un point de vue idéaliste vise à protéger les droits des individus et à limiter les risques auxquels ils sont soumis, personne ne devant être exposé à un risque contre sa volonté,

  • un point de vue utilitariste vise à maximiser le profit pour la société : il est prioritaire de réduire le risque collectif, même si le risque individuel subi par certains peut être élevé.

Dans une optique démocratique, la position légale se trouve entre ces deux extrêmes : chacun bénéficie de droits individuels et est protégé à ce titre, mais les droits individuels ne sont pas illimités et peuvent être réduits dans l'intérêt collectif. La société ne pouvant garantir un risque nul à chacun, elle doit cependant offrir à tous un degré de protection satisfaisant.

Approche économique de la sécurité. (page suivante)Introduction (page Précédente)
AccueilImprimerRéalisé avec SCENARI