La modélisation structurelle du bâtiment et le BIM
La modélisation structurelle du bâtiment peut se faire de différentes façons, du point de vue soit d'une représentation par composants, soit d'une représentation filaire permettant le calcul.
Une représentation par « composants »
Chaque Objet ou Composant possède des caractéristiques et des comportements métiers qui lui sont propres.
Par exemple :
Caractéristiques métiers du poteau : matériau, hauteur, section, conditions d'encastrement, ferraillage, caractéristiques de représentation, etc.
Comportements métiers du poteau : capacité à se dessiner automatiquement dans les différentes vues (plans, coupes, perspectives...), capacité à déterminer automatiquement son ferraillage en fonction des charges appliquées, etc.
Citons les principaux atouts liés à l'utilisation de ces objets :
Ils permettent de dessiner plus rapidement : pour dessiner un profilé métallique, il suffit de 3 clics (un 1er pour appeler la fonction « Profilé », un 2ième pour cliquer le point de départ et un 3ième pour cliquer le point d'arrivée). Ces 3 clics sont à comparer aux 10 à 15 clics qu'il faudrait dans AutoCAD (en fonction de la méthode) pour créer ces 4 lignes...
Ils permettent d'obtenir automatiquement les vues en plan, coupes, élévations, perspectives sans redessiner aucun trait.
La mise en place de labels, symboles, cotations... peut être largement automatisée, puisque chaque objet connaît ses caractéristiques et peut les communiquer aux automates de mise en place des annotations.
Grâce aux caractéristiques de tous les objets qui composent la maquette numérique, il est également possible d'obtenir automatiquement les métrés, listes, nomenclatures, etc.
Enfin, à partir de cette représentation du modèle, on peut obtenir la représentation métier qui permet de réaliser le calcul de la structure et le dimensionnement des éléments.
La définition du modèle par des objets normalisés prend tout son sens lors des modifications : lorsqu'un objet est modifié (ex : déplacement d'une porte), les relations et propriétés de l'objet permettent de propager la modification à l'ensemble des entités concernées. Toutes les vues (vues en plan, coupes, perspectives, vues de détail, etc.), les métrés, les nomenclatures ... sont marqués comme « à mettre à jour ». L'utilisateur n'a plus qu'à indiquer qu'il souhaite effectivement les mettre à jour et le travail se réalise automatiquement.
En général, les pratiques professionnelles actuelles exploitent malheureusement assez peu de re-utilisation de données informatiques entre les postes de CAO et les postes de calcul, même quand ils sont au sein de la même société. Et souvent le travail se fait en parallèle. L'ingénieur calcule pendant que les dessinateurs produisent ex-nihilo les plans du même dossier.
Cet état de fait ancré dans les habitudes laisse prévoir des difficultés d'ordre méthodologique lorsque les ingénieurs et techniciens adopteront les pratiques de l'interopérabilité.
Une représentation par « axes de structure »
Dans l'exemple ci-dessous, le bâtiment a été modélisé avec un logiciel de CAO et a ensuite été exporté vers un logiciel pour le calcul de descente de charges, la vérification des éléments et la détermination du ferraillage.
Tous les utilisateurs qui ont une expérience dans le domaine du transfert CAO / Calcul savent que passer de la représentation graphique à gauche à la représentation graphique à droite (dans l'exemple ci-dessus) n'est pas toujours une chose simple...
Un logiciel de CAO permet de construire une description géométrique du bâtiment basée sur la représentation des composants. L'objectif des concepteurs est de se rapprocher de la réalité construite. Cette représentation courante, dite aussi « vue composants », sert également de base à la production des plans d'exécution . Bien que souvent, deux, voire trois niveaux disjoints de sophistication et de détail des plans soient successivement réalisés : Avant Projet (PC), projet, et projet d'exécution.
C'est souvent seulement ces derniers plans qui sont exploités pour le calcul de structure.
Ce qui évidement est en contradiction avec les objectifs de l'interopérabilité, puisque la vérification structurelle devrait s'opérer dès l'étape de l'avant projet (certains disent dès l'étape de l'esquisse).
La vue calcul de structure est le fruit d'un travail d'analyse de la part de l'ingénieur. En fonction du problème à analyser, de l'endroit où les performances doivent être évaluées, du savoir faire de l'ingénieur, et du mode de représentation des données dans son logiciel de calcul, la représentation structurelle peut aboutir à une géométrie sensiblement différente pour intégrer et rendre compte d'un nouvel ensemble d'informations et de relations dans l'environnement de chaque composant porteur.
De plus, cette représentation peut être différente d'un ingénieur à l'autre pour le même ouvrage.
En général, la représentation graphique utilisée pour le calcul s'obtient à partir d'une extraction filaire de la géométrique volumique de l'ouvrage. Au niveau de l'analyse globale de l'ouvrage, les différences de représentation entre la géométrie « composants » du projet de bâtiment et la représentation de calcul n'ont pas d'influence significative sur les résultats.
Dans la pratique, en fonction de son statut mécanique, un élément de construction peut être modélisé de différentes façons dans le logiciel de calcul. Prenons l'exemple d'un voile : selon sa situation dans l'ouvrage et d'autres paramètres, les ingénieurs seront susceptibles de le modéliser par une plaque épaisse, par une nappe d'éléments finis ou par une croix de Saint André (Contreventement), etc.
La modélisation « Composants » construite dans le logiciel de CAO pour automatiser la production des plans d'exécution et la représentation structurelle du bâtiment pour les études de stabilité et de dimensionnement, , impliquent deux géométries bien différentes .
En CAO, la représentation « Composants » range ou empile dans l'espace des plaques, poteaux et poutres avec épaisseur.
La représentation exploitée dans les logiciels de calcul de structure, dite « Axes de structure », ou encore « Filaire topologique », ou dans le langage courant « Fil de fer), manipule des graphes composés de barres et de nœuds dans l'espace.
Comment passer d'une représentation à l'autre d'une manière fluide ? C'est-à-dire automatique ?
Et pour commencer, comment transformer un conglomérat de composants en une continuité de barres et de nœuds ?
Comment les ingénieurs réalisent cette transformation ? Comment les architectes peuvent-ils faciliter cette procédure ?
Automatiser la création de la représentation « axes de structure »
L'extraction de la vue structure à partir de la maquette numérique de bâtiment se heurte actuellement encore à certaines difficultés opérationnelles, dues aux différences de représentation (voir "La nature des incompatibilités d'échange").
Cependant, des solutions existent et les outils sont en cours de développement.
1ière option : utiliser la représentation de la CAO telle quelle.
Une première option consiste à exploiter la représentation CAO telle quelle en ne faisant aucune hypothèse complémentaire sur la géométrie des composants, mais en essayant de recréer les connexions (le filaire topologique) en examinant les liaisons rigides.
Le principal inconvénient est la complexité de la vue 'ingenieur' obtenue et donc le manque de maîtrise de cette représentation. En général, la démarche de l'ingénieur relève d'une rationalisation et d'une série d'hypothèses qui lui permet de savoir, qu'en fonction de telle représentation, il obtiendra tel type de résultat. Ce type d'automatisation est donc rarement apprécié des ingénieurs qui veulent garder un contrôle important sur la représentation utilisée pour le calcul.
Cette méthode est envisageable dans le cas d'ouvrages standards. C'est pourquoi GRAITEC mène actuellement des recherches approfondies sur cette approche.
2ième option : anticiper le modèle de calcul dans son logiciel de CAO
Détaillons d'abord la représentation de données : pour créer une poutre, l'utilisateur clique le point de départ et le point d'arrivée. En fonction du sens de « justification », la poutre finale est créée, en épaisseur. Dans l'exemple ci-dessous, les 3 constructions donnent le même résultat final :
Une option consiste donc à exporter vers le logiciel de calcul de structure les axes dits « de création » des éléments. En fonction de ces 3 modes opératoires, la représentation « Axes de structure » donne alors le résultat suivant :
Par défaut, dans un logiciel de calcul de structure classique, seule la poutre située au centre du diagramme ci-dessus sera correctement connectée aux poteaux.
Dans certains logiciels de CAO comme Advance de Graitec, il est possible d'imposer au dessinateur des contraintes particulières (à travers un paramétrage de l'application) pour que la géométrie CAO soit telle, qu'une fois exportée vers le logiciel de calcul, les axes concourent systématiquement.
Cependant, il n'est pas judicieux d'imposer systématiquement ce type de contraintes aux projeteurs, l'objectif étant, au contraire, de respecter au maximum leurs habitudes de dessin pour leur permettre une productivité optimale.
Comment gérer le transfert de la représentation de CAO en représentation structurelle pour le calcul, de Calcul le plus rapidement possible en faisant l'hypothèse que la problématique « Calcul » n'a pas été anticipée sur le poste du projeteur ?
Par défaut, dans un logiciel de calcul de structure classique, seule la poutre située au centre du diagramme ci-dessus sera correctement connectée aux poteaux.
Dans certains logiciels de CAO comme Advance de Graitec, il est possible d'imposer au dessinateur des contraintes particulières (à travers un paramétrage de l'application) pour que la géométrie CAO soit telle, qu'une fois exportée vers le logiciel de calcul, les axes concourent systématiquement.
Cependant, certains affirment qu'il n'est pas judicieux d'imposer systématiquement ce type de contraintes aux dessinateurs-projeteurs, l'objectif étant de respecter au maximum leurs habitudes de dessin pour leur permettre une productivité optimale.
D'autres au contraire soulignent que l'architecte et le projeteur, en tant que partenaires essentiels de l'interopérabilité, doivent se plier à une certaine rigueur de saisie des composants en CAO, par exemple en s'appuyant sur une trame des axes dans les trois dimensions.
Comment gérer le transfert de la représentation « composant » de CAO en représentation 'ingenieur' pour le calcul, le plus rapidement possible en faisant l'hypothèse que l'algorithme n'ait pas été anticipé sur le poste du projeteur ?
Il s'agirait d'une incohérence méthodologique.
3ième option : automatiser la « rationalisation » de la représentation de calcul
Cette option consiste à ne pas faire d'hypothèse particulière quant à la validité de la géométrie CAO préalablement renseignée par l'architecte et à mettre en place des outils permettant de la transformer en représentation filaire topologique le plus rapidement possible.
Ceci est possible si le logiciel de calcul propose des fonctions qui permettent d'automatiser, au maximum, ce transfert, comme, par exemple :
La mise en place de files de construction magnétiques : les files de construction peuvent définir les principaux axes de la représentation « fil de fer ». Elles peuvent être définies à l'origine dans le logiciel de CAO (au quel cas, elles sont importées) ou directement dans le logiciel de calcul. Pour chacune d'elle, l'utilisateur défini une « largeur de magnétisme » qui va permettre « d'attirer » tous les objets présents dans la largeur spécifiée. Cette fonction permet de « recaler » les représentations sur plusieurs niveaux très rapidement.
La re-limitation automatique : la re-limitation automatique permet à 2 éléments dont le volume de béton a une intersection de prolonger automatiquement leurs axes jusqu'à intersection. Avec cette fonction les axes des éléments ne sont jamais déplacés, en revanche les éléments sont « allongés » ou « raccourcis » de quelques centimètres.
L'ajustement automatique des éléments : en général, le travail de « recadrage » de la représentation de calcul structurel se fait sur les éléments porteurs d'un étage de référence : d'abord les voiles et les poteaux, puis les poutres, les dalles, ensuite les éléments des étages suivants, etc... Le logiciel de calcul peut proposer une fonction d'ajustement automatique qui permet aux éléments sélectionnés (voiles, poteaux, poutres, dalles et fondation) de chercher leurs éléments porteurs et de s'ajuster automatiquement sur eux, si la distance qui les en sépare est inférieure à une tolérance définie par l'utilisateur. Cette fonction peut permettre, en quelques clics, de modifier de quelques centimètres la position de centaines d'éléments. En particulier, les dalles peuvent retrouver automatiquement leurs contours et les fondations se replacent sous les éléments portés.
Les fonctions de CAO : projeter, re-limiter, étirer... : avec ces fonctions l'utilisateur peut terminer « manuellement » ce que les fonctions automatiques précédentes n'ont pas réalisé.
Le schéma suivant montre ce qu'il est possible de faire avec les outils Advance et Arche de Graitec :
Rappel :
Conservation de la géométrie initiale pour le ferraillage :
Lors de la transformation de la géométrie CAO en représentation de calcul structurel, la géométrie de structure produite est nécessairement différente de la géométrie dessinée en CAO. En clair : la position et la géométrie des éléments de construction est légèrement différente entre le logiciel de CAO et le logiciel de calcul. Cette problématique doit être prise en compte par le logiciel de production des plans d'exécution, s'il est couplé au logiciel de calcul.
Ce constat rend nécessaire l'échange en retour du logiciel de calcul de structure vers le logiciel de CAO ou vers la Base de données BIM pérenne du projet.
Nous avons vu dans l'unité 8 que l'échange inverse « Vue Axe de structure » vers « Vue composants » ne posait pas de problèmes théoriques.