La rupture de Malpasset fut le résultat d'une combinaison imprévue de causes dont certaines n'avaient pas été envisagées précédemment.
Le site de Malpasset avait deux caractéristiques particulières. La première était une faille étanche, plongeant sous le barrage de l'aval vers l'amont, avec un angle de 45°. A une profondeur comprise entre 15 et 17 m, cette faille traversait la vallée presque perpendiculairement. Le deuxième caractère dangereux était constitué par un grand nombre de surfaces de glissement potentielles non détectables (structure de foliation), plongeant de l'amont vers l'aval presque parallèlement à la tangente à la voûte près de l'appui rive gauche.
Même si ces caractéristiques avaient été connues au stade des études, on ne les aurait pas considérées comme dangereuses. En fait, les différentes surfaces plongeaient dans des directions telles que les forces normalement prises en compte (poussée de la voûte et poids) avaient tendance à stabiliser le dièdre de rocher constitué par la faille, et n'importe quelle surface de glissement amont. De ce fait, on peut affirmer avec force qu'il n'y avait aucun risque de glissement du barrage, ni dans les fondations supérieures, ni dans le bas si l'on se réfère au sens du mot glissement, c'est-à-dire mouvement vers le bas.
Les forces généralement prises en compte et celles qu'on considère moins souvent ne firent apparaître aucun danger lors des calculs du projet de quelque façon qu'on les combine. Mais ce n'est pas le cas si l'on prend en compte la sous-pression provoquée par l'eau du réservoir lorsqu'elle agit verticalement sur la fondation rocheuse profonde dans une structure foliée. Du fait de la surface importante sur laquelle cette sous-pression agit, la force est capable d'atteindre une valeur suffisante pour soulever le barrage et le dièdre qui le supporte. C'est en fait ce qui est arrivé comme on peut le voir à la suite d'inspections sur le site après la rupture.
Une sous-pression dangereuse d'une telle importance se produit seulement dans le cas où deux propriétés du rocher sont associées. On les décrit ci-dessous. La seconde est assez rare et caractéristique du gneiss.
La première est la faiblesse du rocher due à de nombreuses surfaces de glissement potentielles dont on a parlé plus haut. Comme ces surfaces étaient presque parallèles à la tangente à la voûte près de l'appui rive gauche, les forces du barrage (poussée de la voûte due à la pression de la voûte et poids propre) au lieu de se disperser dans la fondation comme le veut la théorie de l'élasticité dans un milieu homogène, restaient concentrées jusqu'à une grande profondeur, dans un prisme d'épaisseur constante, provoquant des efforts de compression élevés.
La deuxième est le comportement du gneiss : modérément imperméable dans des conditions normales, il devient complètement imperméable lorsqu'il est comprimé. C'est ainsi que le taux de perméabilité est divisé par cent ou plus sous l'effet de la compression d'un barrage. Cette imperméabilité agit comme un écran imperméable dans la fondation contre laquelle vient buter les infiltrations en provenance du réservoir. Il faut alors supporter une pression hydrostatique correspondant au niveau du réservoir.
Sous l'effet de cette pression et du fait de la faible cohésion entre les surfaces de glissement potentielles, la fondation s'était légèrement déplacée vers l'aval, provoquant une fissure (ouverture dans la foliation) dans laquelle la sous-pression put se manifester à cause de l'imperméabilité de la faille aval. Comme celle-ci et la fissure amont délimitaient un dièdre rocheux dans la fondation, ce bloc, et avec lui le barrage, furent soulevés violemment par la sous-pression comme si la fondation avait explosé.